Comprendre le colorblind(ness)

Le « colorblind / colorblindness », est à l'origine un terme médical désignant le daltonisme.

Mais spécifiquement, dans le cadre du racisme, le « colorblidness » est un argument souvent utilisé (par les blanc-he-s essentiellement) consistant à dire « moi, je ne vois pas les couleurs », pour dégager toute accusation de racisme.

Le privilège est quand tu penses que quelque chose n’est pas un problème parce que ça n’en est pas un pour toi personnellement.

Le privilège est quand tu penses que quelque chose n’est pas un problème parce que ça n’en est pas un pour toi personnellement.

Et pourtant… Pourtant, cette façon de présenter les choses est déjà raciste en soi (en plus d'être profondément égocentrique) pour plusieurs raisons :
Cette façon de présenter les choses est une façon de dire que l'on ne voit pas et surtout que l'on refuse de voir les problématiques liées au racisme (les discriminations à l'embauche, au logement et aux loisirs, les contrôles au faciès, l'exotisation sexuelle, etc.).
Reconnaître l'existence des races (cesser d'avoir peur des mots est déjà un bon début d'ailleurs) socialement construites et directement issues de la construction dite « scientifique » de la suprématie blanche et de l'infériorité « naturelle » des racisé-e-s est un premier pas dans la reconnaissance du racisme systémique. Sans ça, on en reste à une vision superficielle, simpliste donc erronée de ce que sont le racisme et ses conséquences concrètes et symboliques.
Tout ceci passe au-dessus de la personne « colorblind ». Et encore une fois, c'est vraiment se placer comme le centre du monde que de répliquer un très déplacé « moi, je… » dans une discussion à propos du racisme !
D'autant plus qu'à côté de ça, les adaptes du « je ne vois pas les couleurs, on est tou-te-s égales/égaux » sont les premières personnes à aller affirmer à la première occasion « je ne suis pas raciste, j'ai un-e ami-e arabe / noire (plus noir-e qu'un-e arabe même!) » !

Regarde à quel point j’en ai quelque chose à faire !

Regarde à quel point j’en ai quelque chose à faire !

Plus grave encore, affirmer que l'on ne voit pas les couleurs ou pire, que l'on ne considère pas telle ou telle personne comme noire, asiatique ou arabe, c'est une façon de dire : « Pour moi, tu es aussi blanc-he que moi ». Même si c'est parfaitement inconscient, c'est fondamentalement ce que ces propos signifient. C'est un terme « universaliste » qui place le blanc au centre, comme la norme et tout ce qui ne l'est pas dans la périphérie, dans la section « autres » qu'il ne faut pas voir autrement que comme blanc-he pour que ces personnes non-blanches puissent être « normales » elles aussi.


C'est enfin une façon de dire : « cesse donc de (me) parler de racisme, ça ne m'intéresse / ne me concerne pas ! ». Or, c'est une question qui concerne tout le monde. Nous vivons dans un monde raciste où la suprématie blanche fait tous les jours des ravages à tous les niveaux et de mille et une façons (brutalités et meurtres policiers et civils, guerres impérialistes, pillages, néo-colonialisme, discriminations, etc.). Je ne saurais dire s'il existe une personne dans ce monde qui n'est pas concernée par les problématiques liées au racisme, mais ce qui est sûr, c'est que chaque personne prétendant ne pas voir les couleurs l'est.

En fait, le « colorblindness » invisibilise les racisé-e-s, il nie leur vécu du racisme, leur vécu tout court et tente de leur imposer le silence sur ces questions car la personne « colorblind » montre par cette affirmation qu'elle refuse toute remise en question personnelle quant à son propre racisme et qu'elle cherche avant tout à se protéger d'une éventuelle révélation de ce racisme intériorisé.


À lire aussi, le billet sur la page « The love life of an asian guy » (Une page que je recommande très très chaulereusement) :

Comprendre le colorblind(ness)

**Colorblind Racism: Unmasked**
*Why The "I Don't See Race" Argument Is Much Worse Than You Think*

Description : Le « colorblindness » est une façon très confortable de ne pas se remettre en question en matière de racisme. Souvent utilisé comme une sorte de compliment, le fait de dire « Je ne vois pas les couleurs » ou « Je ne te vois pas comme noir-e, asiatique, arabe/maghrébin-e » est pourtant profondément raciste à plus d'un titre.

Traduction du billet pour les non-anglophones :


Le racisme « Colorblind » : démasqué

Pourquoi l'argument « Je ne vois pas les couleurs » est bien pire que tu ne le penses

Les gens peuvent-être très, très sournois avec leur racisme.

Un nouvel axe de racisme gagne en popularité ces temps-ci : la notion de « colorblindness » (aveuglement aux couleurs). L'idée est que tous les gens sont égaux et que nous devrions nous juger les uns, les autres selon nos actions et non selon notre couleur de peau.

Bien que cette idée semble artificiellement bien optimiste, la plupart des sots affirmant « Je ne vois pas les couleurs » ne parviennent pas à comprendre leur propre aveuglement. Voici pourquoi je trouve cette perspective problématique :

Quand tu clames que tu ne vois pas la race, tu as globalement affirmé : « Les discriminations, le racisme et les inégalités sont terminées, parce que je le déclare. Arrêtons de parler de race et commençons à vivre nos vies comme si de rien était ! Je ne veux pas parler de ça et toi non plus. Et si tu en parles, tu es celleui qui es raciste parce que j'ai déjà décidé que nous avions terminé cette discussion ».

« Je ne vois pas les couleurs » = « J'ai peur de ce que cette conversation pourrait me faire ressentir alors je refuse catégoriquement d'en parler ».

Ce n'est pas parce que tu te sens mal à l'aise à la vue de cadavres d'adolescent-es noir-es et de statistiques prouvant la corrélation entre les inégalités de revenus et la race, que tu dois changer de sujet. L'idée d'un monde sans couleur est censé être une utopie quand, Si et losque nous atteindrons enfin l'égalité alors Peut-être, seulement peut-être nous commencerons à vivre comme si nous ne formions qu'une seule race.

Mais nous sommes loin, très loin de cette réalité-là.

Si tu ne peux voir la race, tu ne peux voir les schémas et tendances de la société. Tu perds de vue les personnes les plus touchées par la méthode « stop-and-frisk » [arrestation palpation au faciès]. Tu perds de vue celleux qui obtiennent les promotions professionnelles. Tu perds de vue les victimes de brutalité policière. Tu te fermes complètement à l'apprentissage des problèmes qui existent en enfin…

…tu renonces à tes chances d'être une solution.

 

Comprendre le colorblind(ness)
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Une bonne façon d'être colorblindness, à mon sens, est de voir les couleurs de peau mais de ne pas faire la différence de valeur que font les racistes. C'est de mettre sur le même plan la différence entre les yeux marrons et les yeux verts et celle entre les peaux blanches et les peaux noires. On s'indignera de la discrimination qui nous parait complétement stupide, au même titre qu'une discrimination des yeux verts par les yeux marrons. Garder à l'esprit l'histoire et l'actualité des discriminations de couleur permet de garder conscience de la place qu'accorde la collectivité aux différentes couleurs. Mais honnêtement après avoir voyagé dans le nord et l'est de l'Europe, après avoir rencontré beaucoup de "colorés" très différents les uns des autres, la représentation sociale que nous donnent notre société raciste (blanc : valeur, coloré : inférieur) s'avère évidemment infondée, mais également et surtout la couleur de peau m'apparait n'être pas plus un bon indicateur que les yeux, la forme du sourire, du nez ... Il y a la couleur, mais ça s'arrête là.
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